22.10.11

O rumo da «Primavera Árabe» no Egipto

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Egypte : « La révolution a commencé avec des jeunes pleins d’idéaux, puis elle a viré ».

Il y a quelques mois, le père Henri Boulad, jésuite égyptien habitant au Caire, manifestait déjà ses inquiétudes à propos des tournures que prenaient la révolution (cf vidéo) Suite aux tragiques événements du 9 octobre dernier, et à l’approche des élections législatives, il nous livre à nouveau ses impressions. Entre crainte et espérance, entretien sans concession.

AED: Quelle a été votre réaction suite à l’attaque des coptes le 9 octobre dernier, alors que ces derniers  manifestaient pacifiquement ?
J’ai été peiné, outragé, furieux. Je pense que l’armée est infiltrée par des islamistes. Nous sommes à un tournant inquiétant. Il y a une vraie récupération de la révolution par les fondamentalistes. C’est d’ailleurs la même chose qui se passe en Libye et en Tunisie. Pour moi, il est clair que le monde arabe est en train de virer dans l’islamisme avec la bénédiction des puissances Occidentales. A croire que l’Occident n’a rien appris du passé. Qu’a-t-on fait de l’expérience de l’Irak ? Il faut dire aussi qu’il y a une manipulation médiatique de l’opinion. Les rebelles sont unanimement présentés comme des libéraux qui veulent la démocratie. Au lieu de démocraties, se sont des régimes islamistes qui vont se mettre en place.  Je pense que l’intervention de l’Occident dans les scénarios des pays arabes est dictée par des intérêts économiques et financiers. Il y a un manque d’objectivité total. Est-ce que l’Occident se rend compte qu’en mettant en place tous ces régimes dans le monde arabe, il se prépare à un avenir amer ? Personne n’a pas pris la véritable mesure de la puissance, de l’organisation et de la détermination des islamistes.

Comment envisagez-vous les élections législatives à venir en Egypte ?
Je suis très inquiet pour ces élections. La révolution a commencé avec des jeunes pleins d’idéaux, puis elle a viré. Les fondamentalistes rêvaient de ce moment-là. Tous les régimes les avaient jetés en prison et persécutés, maintenant ils sont au pouvoir. Les libéraux de la révolution deviennent des marginaux dans leur pays. Les islamistes sont tellement organisées qu’ils musellent toute opposition ou toute distension, musulmane ou chrétienne. Il ne faut pas négliger par ailleurs la présence des hommes de l’ancien régime, les hommes d’affaire et les technocrates. Une négociation se fait en sourdine pour que chacun trouve ses intérêts dans le nouveau régime : l’armée, les Frères Musulmans, l’ancien régime. On est en train de se partager les dépouilles des vaincus.

Comment vont les chrétiens en Egypte ?
Avant les événements de dimanche, je voyais déjà  beaucoup de chrétiens préparer leur valise. Il y a beaucoup d’inquiétude parmi la communauté chrétienne. Mais c’est dans la ligne de ce qui se passe depuis un siècle. Les chrétiens représentaient 20% de la population du Proche-Orient au début du siècle. Ils sont maintenant 2%. L’exode continue, et l’exemple irakien est éloquent. Les chrétiens se sentent abandonnés de tous : ils sont dans une grande détresse. Personnellement, je suis inquiet pour les chrétiens, mais aussi pour les autres minorités. Ce qui est grave, c’est qu’une certaine philosophie de  vendetta est en train de se répandre. Devra-t-on aller jusqu’à la guerre civile ? Je vois le salut dans un « réarmement moral ». Sans une nouvelle éthique, un nouveau sens de la conscience et de la responsabilité, nous allons vers une catastrophe.

Que pourrait-il se passer si les Frères Musulmans remportent les élections ?
Entant donné que la Constitution sera rédigée juste après les élections législatives, l’influence de la ligne politique islamiste risque d’être très prégnante. Les islamistes veulent maintenir le peuple dans une soumission aveugle à une loi divine sensée répondre à toutes les questions. L’arriération du pays est affligeante. Le clivage s’accentue entre un islam qui cherche à sortir de cet obscurantisme et celui qui y retourne. L’occident n’en a pas conscience. Je suis surpris de voir à quel point l’Eglise d’une part et le peuple occidental d’autre part s’est laissé prendre par le politiquement correct concernant l’Islam. L’Islam devrait pouvoir s’autocritiquer. En Egypte, toute voie modérée est étouffée sous prétexte qu’elle n’est pas fidèle à la bonne tradition : le wahhabisme.

Vos propos ne contribuent-t-ils pas à alimenter une guerre de religion ?
Toute réalité qui n’est pas basée sur la vérité, je la repousse.  Je suis pour un dialogue qui mette carte sur table, qui accepte d’aborder les points chauds, sans menacer d’extermination ses adversaires. Je veux qu’on ait le courage de libérer le discours, et de permettre à tous de s’exprimer. Beaucoup d’intellectuels musulmans évoquent ces questions, il faut les écouter ! Je voudrais qu’on cesse la polarisation chrétien-musulman. Ce sont aussi les jeunes qui doivent engager un dialogue qui puisse aboutir. Au-delà des discours, il y a les faits. Je ne crois qu’aux faits. La Commission Européenne à qui j’ai écrit le mois dernier m’a répondu : « Nous nous refusons à toute stigmatisation ». C’est comme si du temps d’Hitler, on disait qu’« il ne faut surtout pas stigmatiser le nazisme ». L’islamisme est un nouveau fascisme, beaucoup plus dangereux que l’autre, car plus pernicieux. Ce qu’il faut demander aux nouveaux régimes qui se mettent en place dans le monde arabe, c’est la suppression de la mention religieuse sur carte d’identité,  la signature de la déclaration universelle des droits de l’homme, la reconnaissance du principe d’égalité homme- femme, le respect de la liberté religieuse. Il faut que tout cela soit réel, et non simplement proclamé.

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